Cette marque, votre marque, reste inscrite sur mon pubis. Vous l’avez tracée, l’autre jour, d’un coup de rasoir expert, dégageant l’empreinte de ce A majuscule dans la toison foisonnante en cet endroit.
Voici plusieurs jours, quelques semaines. Et depuis, je l’entretiens régulièrement, soigneusement, méticuleusement. Fier de porter votre marque sur mon corps, comme le sceau visible de votre pouvoir, comme la preuve rassurante de ma condition de soumis, comme le signe de cette appartenance que je ressens encore plus fortement depuis notre dernière séance.
Quelques semaines auparavant, j’avais flanché entre vos mains. J’avais eu recours à ce safe word, qui vient rassurer pour les cas de faiblesse, mais qui reste une trahison de ce jeu dans lequel le soumis doit totalement s’abandonner à sa Maîtresse ainsi qu’un renoncement coupable à l’ambition qui l’anime de démontrer toujours plus spectaculairement sa dévotion à sa Déesse.
J’avais flanché. Vous fûtes surprise, j’eus honte. D’autant plus honte, que ce fut avec une extrême douceur et une attentive tendresse que vous m’avez réconforté.
Dans les jours qui suivirent ce lamentable échec, je m’efforçais de me convaincre non pas qu’il me fallait me racheter, la nécessité en était évidente, mais que je réussirai à le faire sans pour autant me rassurer complètement sur mon aptitude à y parvenir.
Je pris quelques semaines à remâcher mélancoliquement cette question, partagé entre le besoin de m’éprouver à vous et l’appréhension de n’être pas à la hauteur. Mais le souvenir très vivace de votre extrême gentillesse ne me laissait pas de choix, ne permettait pas d’autre désir, n’imposait que ce seul besoin : revenir à vos pieds. Tant il était évident pour moi que c’était au monde la meilleure et plus heureuse place où je puisse me tenir, nu et à portée de votre cravache.
Nous prîmes rendez-vous. Avec une prudente délicatesse, vous m’avez sondé, à l’avance, sur ce que je souhaitais, sur ce dont je pouvais m’estimer capable. Bien à l’abri derrière mon écran d’ordinateur, avide de réparer ma faiblesse passée, et avec cet enthousiasme bravache et un peu halluciné que le besoin de vous revoir m’inspire, j’évoquais certains jeux auxquels, en général, j’ai plutôt cherché à me dérober et que nous n’avions jamais pratiqués : l’uro, les aiguilles…
Alliez-vous me prendre au sérieux ? Je le craignais, je le souhaitais. Comment vous dire, chère aXelle, cette extraordinaire jouissance que suscite, avant que de vous rencontrer, la peur de ce que vous allez peut-être me faire subir ? Comment décrire cette tentation de l’extrême, cette envie de l’excès, cet appel amoureux à la torture, que je parviens rarement à ne pas exprimer dans nos correspondances d’avant rencontres ? Et ce sentiment angoissant et délicieux, dès lors que date est prise, et messages échangés, de ne plus pouvoir échapper à l’épreuve que vous me réservez et dont je peux craindre qu’elle n’emprunte trop à mes vaticinations épistolaires ? Il y a, dans les jours et les heures qui précèdent nos rencontres, tension, excitation, appréhension, exaltation, exultation… comment pourrait-on se sentir plus vivant, plus aimant ?
Au jour dit, je frappai à votre porte. Moi fébrile, vous chaleureuse. Instant magique où l’on quitte, avec ses vêtements, la vie ordinaire pour entrer, nu, dans ce monde où vous régnez, et où je trouve mon bonheur à reprendre ma place véritable, à vos pieds.
Vous êtes magnifique. Corset de cuir noir mettant en évidence votre poitrine, deux longues jambes nues…Je me jette à vos pieds, enserrant frénétiquement vos cuisses de mes bras, et pressant mon visage tout au centre, embrassant avec passion la culotte de fine dentelle qui ne dissimule guère l’objet de mon adoration.
Plus mutine, que sévère, vous me faites remarquer que j’anticipe des récompenses qu’il me faut d’abord mériter, ce qui ne peut qu’appeler punition sévère. Je reprends une position plus respectueuse, celle qui convient mieux à ma condition de soumis, un peu surpris néanmoins de ressentir que j’ai plus de désir que d’appréhension quant à la punition à venir.
Vous me faites part de la première épreuve : un boléro… Non pas le boléro-fessée que vous affectionnez, et moi aussi, votre main me frappant au rythme de la musique… Non, un boléro-canne ; ce sera plus dur, plus violent, me dites-vous., mais tout aussi musical. Connaissant mon goût pour les entraves, vous me faites inaugurer un jouet qu’un autre de vos soumis vous a fabriqué : un carcan en bois, enserrant poignets et chevilles, maintenant le captif en position de prosternation, le cul bien offert. Il y faut de la souplesse, me dites-vous en souriant ; je n’en ai guère, mais vous ne me laissez pas le choix, et je me retrouve bien vite inconfortablement immobilisé, totalement livré à vos coups, que vous pouvez aisément délivrer avec une belle vigueur dans cette bien commode position.
Je l’ai déjà remarqué : avec la canne, vous ne frappez pas de haut, vous prenez peu d’élan ; mais le geste est sec, vigoureux, et les coups se succèdent rapidement, laissant chacun sur mes fesses une onde violente, sans guère de répit entre douleurs successives. Bien en rythme avec la musique de Ravel, vous suivez parfaitement la cadence, ravissante chef d’orchestre solidement équipée d’une baguette dont je peux parfaitement apprécier la nerveuse efficacité !!!
J’aime bien Ravel, le Boléro est un morceau magnifique, mais, dieu !!!, écouté ainsi, entravé et sous votre cravache, il devient autre chose, féroce et tragique, et, dieu !!!, qu’il est long. Quatorze minutes, m’avez-vous dit… Quatorze minutes, combien de coups ? Largement le temps d’en venir à ce moment où le fantasme a disparu, où l’on se dit, mais que fais-je donc ici ? C’est le moment à risque, celui où la tentation du safe word peut venir… Mais il faut serrer les dents, tenir, pour en arriver enfin à cette incroyable abandon dans l’impuissance et la douleur que l’on va tant regretter quand, enfin, la musique et les coups s’arrêtent…
Vous m’installez ensuite sur le fauteuil gynécologique, jambes en hauteur, bien écartées, me livrant, corps, âme et sexe bien ouverts à vos fantaisies. Quelques liens, assez lâches, et pour tout dire plutôt symboliques, ne parviennent pas à me donner ce sentiment de captivité que j’adore, mais viennent au contraire faire ressortir que ce qui me retient n’est que mon avidité à me livrer à vous, et mon désir violent de me sentir pleinement votre chose. D’autant plus qu’en une allusion assez vague, vous me laissez entendre que ce qui suivrait sera assez doux et plaisant.
Ne jamais trop croire ce que vous annoncez, ou du moins jamais complètement. Alors que mis en confiance par cette douceur annoncée, je me relâche béatement, je vous vois, avec ce sourire espiègle et coquin qui vous va si bien, me glisser un bracelet élastique autour du pied, le tirer, le relâcher… Vous m’avez déjà fait goûter l’exercice. Que personne ne se fie à l’apparence anodine du jeu, c’est un vrai supplice. La plante des pieds est si sensible qu’en se relâchant, l’élastique, tout banal qu’il soit, inflige une douleur électrique jusqu’en haut du corps, et le sourire badin du sujet de l’expérience immédiatement se fige et devient un abominable rictus… Et cela vous fait rire, chère Maîtresse, et donc vous recommencez, encore et encore. Et quand je crois que cela va se terminer, il vous plait de recommencer avec l’autre pied…
Croyez-le ou non, aussi étrange, bizarre, ahurissant que cela puisse paraître, que je vous ai aimée chère aXelle, que je vous ai aimée, en cet instant où je vous vis rire, avec une légèreté sadique et mutine, de ma douleur, de la difficulté dans laquelle je me débattais simplement pour essayer de tenir et de la frayeur de voir le supplice durer…
Mais vous l’avez promis. Vient alors un moment de douceur.
Une sensation forte sur les fesses. Un peu de temps pour comprendre qu’il s’agit d’une sensation de froid. Et même de très froid. Encore un peu de temps pour réaliser que c’est de la glace que doucement vous promenez sur les parties que la canne ou la cravache ont touchées, histoire de réduire l’hématome et limiter les marques.
Et après la glace, le feu. Vous avez décidé que désormais je devais réduire le système pileux qui du pubis jusqu’aux fesses envahit cette partie centrale de mon anatomie. Puis-je vous dire que je suis heureux et reconnaissant qu’en arrêtant cette décision, vous affirmiez un droit de propriété sur mon corps et mon sexe ce qui est le rêve et l’idéal de tout soumis. Ce jour-là, il vous plait d’essayer le feu ; en quelques commentaires inquiétants, vous réussissez à me faire peur. Et je tremble quand votre briquet s’approche de mon sexe. Quelques grésillements, et une bonne odeur de cochon grillé, mais il n’y eut ni feu de brousse, ni brûlure.
On en revient ensuite au plus classique rasoir et mousse à raser. Je m’attends à ce que vous fassiez disparaître tous ces poils disgracieux, et rasiez intégralement le pubis. Ce serait une contrainte pour moi, mais dans mon enthousiasme de soumission, je l’accepte et d’autant plus que ce ne serait pas sans conséquences un peu délicates à gérer. Plus subtilement, et plus sage que je ne le suis, vous ne fûtes pas Attila, vous bornant avec art à dessiner votre initiale, ce A majuscule, dans le taillis de poils, que j’essaye désormais d’entretenir, ravi de porter ainsi votre marque.
Je ne me souviens plus très bien comment ensuite vous l’avez annoncé. Je les avais ambitionnées, je les craignais, j’espérais que vous les oublieriez, sachant toutefois que si cela avait dû être le cas, j’en aurais été très déçu : les aiguilles…
Vous me dites que vous aimez cet art, que vous ne pouvez le pratiquer qu’assez rarement, et je suis heureux de vous en offrir la possibilité, tout en commençant à paniquer quand il vous est plaisant d’en évoquer la dureté. Mais il est trop tard pour moi, je ne peux plus éluder. Je fais appel à votre bienveillance en vous demandant de bien resserrer mes liens afin qu’il me soit absolument impossible, si d’aventure la peur devait m’y pousser, d’échapper d’un mouvement brusque à vos aiguilles. Peut-être aussi et surtout pour que la sensation physique de contrainte et d’impuissance vienne décupler le sentiment d’inéluctabilité de mon sort et de soumission absolue à vos fantaisies.
Terreur, abandon, soumission, désir…Pendant que je suis submergé par tout cela, vous préparez avec un calme serein et un soin méticuleux l’opération dont je vais être le sujet. D’un ton badin, vous me dites qu’une des aiguilles ira dans la peau de mon sexe. Ce n’était pas prévu, je ne l’avais pas envisagé, je suis complètement terrorisé, et je vous implore de renoncer. Vous ne cédez pas. « Cela ne fait pas mal, bien moins que sur les seins ! » Et malgré l’horreur que je ressens et dont vous pouvez voir avec amusement la trace sur mon visage, malgré ce refus déterminé, vous ne cédez pas. L’aiguille entre sur le dessus de mon sexe. Surpris, je ne la sens guère. Et je ne sens rien non plus, quand, quelques instants plus tard, vous la retirez. Vous avez raison, cela ne fait pas si mal. Je suis heureux que vous n’ayez pas cédé, et je ne peux m’empêcher de repenser aujourd’hui avec délices à ce moment où avec un sentiment d’épouvante et de panique je vous vis passer outre à mon refus horrifié. A ce moment-là, je fus réellement, totalement à vous, et cela restera pour moi longtemps une extrême jouissance.
Mais les aiguilles, ce sont surtout les seins. Il y a ce bref instant où l’aiguille s’approche, mes yeux instinctivement se ferment, je ne veux pas voir, j’ai peur, la mâchoire se contracte. Je sens la pointe sur la peau, rentrer dans la peau, dans la peau, je ne sais pas, je ne sais plus…Et puis cela y est. Les yeux se rouvrent, c’est fini, c’est fait…
Enfin, une première fois.
Mais ce n’est pas fini, il y a l’autre sein…
Et cela recommence, la panique, les yeux qui se ferment, les dents qui se crispent, horreur, que va-t-il m’arriver ? Et cette sensation dans la peau, est-ce de la vraie douleur, de la peur, ou les deux à la fois ? Puis, la stupeur, le soulagement de constater que c’est fait, et que mon sein s’orne ainsi de ce corps étranger, si effilé, si anodin, presque banal…
Les aiguilles traversent la peau, à côté du têton, un peu à distance. Je m’étonne : m’auriez-vous réservé un traitement plus sévère, avec des aiguilles plus profondément enfoncées dans le vif du sein ? Vous percevez ma surprise, et tout de suite, amusée et compatissante, vous me réconfortez : « dans le têton, c’est beaucoup plus douloureux, d’ailleurs tu vas voir… »
De vous voir chercher une nouvelle aiguille, je comprends immédiatement que ce pire est à venir…Et tout recommence, une fois, deux fois, un sein puis l’autre, un têton, puis l’autre… Est-ce vraiment plus douloureux, je ne sais plus. Je ne pense plus, tendu dans la volonté de subir ce qu’en cet instant je perçois comme un effrayant supplice, tendu dans la volonté d’accueillir de vous, par vous, une torture qui dépasse tout ce que j’avais pu connaître jusqu’ici.
Je rouvre les yeux, je vois mes deux seins percés, chacun avec une aiguille dans le têton, et une autre sous l’aréole. Je les vois bien, entrant d’un côté, et la pointe qui ressort de l’autre… C’est magique, fierté et soulagement, je ressens brusquement une envie féroce de les garder en témoignage pour vous de ma dévotion, en signe pour moi de mon engagement à me soumettre.
Pourtant, il faut les enlever. Un peu d’appréhension, un peu de sensation, là encore je ne sais pas si c’est de la douleur, de la peur, ou simplement une caresse subtile à l’intérieur de ma peau. Avec attention et application, vous passez un coton avec un peu de bétadine pour nettoyer une goutte de sang et désinfecter. Les aiguilles, c’est fini pour aujourd’hui. Mais il est clair dans mon esprit que ce n’est qu’une toute première fois. La difficulté que j’ai ressentie à l’exercice, la peur, la douleur sont bien le signe, la preuve qu’il doit, qu’il devra m’être infligé à nouveau.
Dans nos échanges d’avant la rencontre, j’avais évoqué l’uro. Non pas parce que j’aime cela, ou que cela m’attire, mais bien parce que c’est tout le contraire. Il y a de la peur et du dégoût. Et c’est bien parce que cela me parait bien difficile que peu à peu en moi s’est faite la certitude que je devais y être soumis, que je devais vous laisser m’imposer cette forme de dévotion.
Une fois les aiguilles retirées, je suis certain que va venir ce moment de l’uro ; et d’ailleurs vous me dites vous y être préparée, retenant votre besoin depuis deux heures. Mais avec sagesse, vous m’informez qu’il ne serait pas raisonnable pour des raisons d’hygiène d’y recourir, mes seins venant d’être percés et pas encore refermés. Vous avez raison. Et justifiez une fois de plus la confiance totale que vos soumis peuvent avoir en s’abandonnant totalement à vous.
Je suis un peu déçu. Fier d’avoir subi sans faillir les aiguilles, j’étais plein d’allant pour cette nouvelle épreuve. Mais vous me réconfortez en m’annonçant la récompense suprême : vous allez me donner le privilège de vous nettoyer de ma langue après que vous vous soyez libérée de votre besoin…
Un instant, et vous voici installée à votre tour sur le fauteuil gynécologique. Et moi à genoux, devant vous, sous vos pieds, les mains enserrant vos cuisses, le visage au cœur de votre intimité, et ma langue au travail. Je ne suis plus conscient, je ne pense plus, je ne suis qu’un élan vers vous, vos senteurs, vos liqueurs, votre corps, votre sexe. Je ne suis plus, je suis à vous, simplement à vous, si totalement, si pleinement à vous.
Et avec votre autorisation que je quémande d’une voix faible et tremblante, à peine audible, je vais ainsi, tout auprès de vous, à l’explosion finale, anéanti de bonheur et de plaisir.
C’était fini.
Mais ce n’est pas fini pour moi, chère aXelle.
J’ai tant de dévotion à vous montrer. Tant de douleurs et de plaisirs à vivre avec vous. Tant de supplices, de coups et de tendresse à recevoir de vous.
A très bientôt, j’espère.
En attendant, j’entretiens avec un soin de jardinier maniaque, cette lettre A dans le buisson de mon bas-ventre…Je suis à vous.
COMMENTAIRE D'AXELLE DE SADE
C'est toujours un grand plaisir de voir ou lire l'Espiègle Maso, comme je l'appelle ici, Dxxxx, dans la vraie vie. Subtile, fin, drôle et espiègle, il est l'un de mes chouchous dans le cheptel.
Pourquoi je demande un compte-rendu de rdv à mes soumis.es ? Parce qu'il me permet de me plonger dans leur psyché érotique, comprendre ce qu'il se joue en eux/elles. Souvent, je ne me reconnais pas dans ce qui est écrit. Parce que ce n'est pas moi, mais une perception de ce que je suis. Et j'adore ça.
Ces derniers mois, j'ai eu très peu de temps, occupée à relancer une association de sex-positive qui me tient à coeur. Peu de temps pour lire et publier les comptes-rendus qui m'ont été adressés et cette période pandémique est propice pour rattraper le retard et remettre les choses en perspective.
J'adore jouer avec D, et notre dernière rencontre m'a laissé un gout d'inachevé, voire d'échec (comme si les rencontres avaient quelque chose à voir avec la performance ?). Et je déteste ça.
A bientôt mon cher D. Joyeux confinement.
Et vous m'avez écrit :
" Nous vivons quand même une époque étrange: ne pas pouvoir se faire séquestrer par sa Maîtresse, parce qu'elle même est confinée !!!!"