Voici des mois, maintenant, que je vous promets ce compte-rendu, et vous vous impatientez. Si j’ai tardé, ce n’est pas par paresse ou mauvaise volonté. Plutôt appréhension de ne pas parvenir à trouver les mots justes pour décrire ce qui s’est passé ce jour-là, ces quelques heures où je fus à vous, si totalement à vous.
Les journées, les semaines qui suivirent cette rencontre ont passé comme dans un rêve, un rêve de calme et de sérénité, béatitude et apaisement. Une sorte de plénitude…comme si j’avais enfin touché à un port longtemps attendu, et auquel je ne croyais plus guère. Les impressions, les sensations, les émotions, de notre rencontre étaient restées fortes, prégnantes, obsédantes et je craignais trop d’en faire un récit trop fade alors que je les sentais en moi si vivantes et si actuelles.
Mais rien de ceci ne saurait être une excuse et je sais que Lundi, vous allez me punir de ce retard ; et dans la crainte d’un châtiment trop dur, alors même que vous avez bien d’autres raisons d’être d’une sévérité extrême, je parviens aujourd’hui à ne plus différer et à prendre la plume.
Il y avait des mois, au moins trois, peut être quatre, que, virus et confinement obligeant, nous ne nous étions pas vus. Il y avait eu quelques échanges de mails, assez épisodiques, mais, dans la stupeur de cette séquestration collective que nous imposait ce maudit virus, je m’étais un peu assoupi et il vous fallut dénoncer ma rustrerie pour qu’enfin je me réveille.
Nous prîmes rendez-vous.
Comme souvent, l’agitation, la fièvre, la passion s’emparèrent de moi avant notre rencontre. Dans ces jours qui la précédèrent, je ne pensais plus qu’à cela, je ne sentais plus que le besoin forcené et viscéral de me jeter à vos pieds, de recevoir vos coups, de vous appartenir. Et je me livrai aux délires épistolaires les plus frénétiques, mais aussi les plus profondément sincères dans l’expression de mon désir et de ma volonté de me soumettre.
Dans votre convocation, vous m’aviez enjoint de vous apporter sous-vêtement et bas-couture. Était-ce pour vous, ou bien s’agissait-il des accessoires d’un nouveau jeu que vous m’imposeriez ? Naïvement, je demandai, et je fus pris au mot ; et je fus invité à faire l’emplette de sous-vêtements féminins, et pour vous et pour moi.
Vous le savez maintenant, je manque en ce domaine et de pratique et de talent. Trouver culotte et bas ne fut pas chose aisée, mais contribua à ma culture : je découvris ainsi le concept de tanga… et la chose elle-même.
Le jour venu, c’est donc avec culotte en dentelle noire et bas de satin, sous le pantalon, que je m’acheminai chez vous par les transports en commun. Et c’est en piètre équipage, mon sexe s’échappant de la culotte, et les bas tombés en dessous des genoux, que j’arrivai devant chez vous.
Je revois encore, je vous revois encore, devant le portail de votre nouveau repaire guettant mon arrivée. Je m’étais signalé en m’écartant un peu par discrétion le temps que vous sortiez. Vous me cherchiez du regard. Un peu penchée, attentive, attentionnée. Et moi, impatient de me livrer, avide de connaître et subir ce que vous me réserviez, et surtout si heureux de vous retrouver, je sus instinctivement, en vous apercevant me guetter, que ce jour ne serait pas comme les autres.
Entrés dans la cour, et avant de franchir le seuil de votre nouveau domaine, vous m’avez bandé les yeux. Je n’allais pas découvrir votre empire avant un long moment.
C’est vous qui m’avez dévêtu. Pièce à pièce, vous avez tout enlevé. Je sentais vos mains courir de l’une à l’autre, et votre corps se presser contre le mien. A l’oreille, vous m’avez murmuré que vous-même étiez nue. J’étais aux anges et, en même temps, frustré de ne pouvoir le voir, de ne pouvoir vous admirer.
Menottes aux poignets, attachés ensemble et tirés vers le haut, barre d’écartement fixée aux chevilles, je me suis vite retrouvé, bras au-dessus de la tête et jambes bien écartées, offert à vos supplices. J’en avais rêvé, je l’avais évoqué dans les messages enflammés dont je vous avais gratifiés les jours précédents, et maintenant, je le vivais, et je savais ce qui allait s’ensuivre : les coups, la douleur, le bonheur…
Ils vinrent, ces coups. Martinet d’abord, sur les fesses et le haut du corps. Un échauffement stimulant. Puis, ce fut la canne. Coups distincts, bien enchaînés, vigoureux.
Je pense que j’ai eu mal ; j’ai dû avoir mal. Forcément. La canne c’est douloureux et vous la maniez avec énergie et talent. Mais aujourd’hui, au moment où j’écris ces lignes avec quelques mois de retard, j’ai peine à me souvenir d’avoir eu mal. Ce qui me revient à l’esprit, c’est plutôt une sorte de stupeur. Stupeur en me retrouvant ainsi nu, attaché, aveuglé, en éprouvant ces brûlures soudaines dans mes fesses et sur mon corps, stupeur de voir déchiré le voile des fantasmes, qui m’avaient saisi dans les jours qui précédaient, et de les voir ainsi advenus.
En fait, je peine à trouver les mots pour décrire ce que j’ai alors ressenti : j’étais simplement là où je devais être, là où j’appartenais, là où je pouvais m’abandonner en toute sérénité.
Avec au bout d’un moment, une étrange angoisse à la fois que le supplice continue, le corps criant grâce, mais aussi qu’il s’arrête, tant cette douleur physique donne à la conscience la certitude d’être véritablement vivant.
Vous m’aviez parlé, à mon arrivée, de crémaillère avec plusieurs stations. Bientôt, il fut temps de passer à la suivante.
Vous m’avez détaché les mains, moment délicieux, car pour y parvenir, il vous fallut vous rapprocher de moi et je sentais votre corps contre le mien Avec toujours le bandeau sur les yeux et la barre aux pieds, vous m’avez guidé vers ce qui me parut être une sorte de pilier, auquel vous m’avez littéralement scotché, ventre et face en avant, le derrière bien offert, à grands coups de bande adhésive. J’étais bien immobilisé et disponible.
À nouveau, vous m’avez frappé ; je ne me souviens plus très bien avec quel type d’instrument. J’étais sur mon petit nuage de douleur et plaisir mélangés, ravi de l’immobilité absolue à laquelle vous m’aviez condamné, et de ma totale impuissance devant ce que vous m’imposiez.
Mais tout a une fin et il fut temps de passer à la séquence suivante. Vous m’avez fait asseoir, dos au pilier, et vous m’avez à nouveau scotché, à nouveau immobilisé, et toujours dans le noir du bandeau. Non sans m’annoncer que je resterai ainsi un bon moment, jusqu’au déjeuner que vous alliez préparer.
Je fus discipliné, à dire vrai je n’avais guère le choix, demeurant sagement, aveugle et paralysé, sur mon banc, près de mon pilier dans la béate sérénité que me procure toujours un solide bondage bien serré. Et c’est ainsi ficelé, que je vous entendis déclamer quelques-uns des textes enflammés que je vous avais envoyés les jours précédents et dans lesquels je criais ma servitude et vous appelais à la sévérité.
Vous aviez qualifié ces emportements épistolaires de « littératé » et m’aviez annoncé que notre rencontre se placerait sous le signe de « crémaillère et littératé ». Nous y étions. Et vous me confrontiez, enserré dans mes liens, les fesses encore brûlantes et douloureuses des coups reçus, à mes délires, emportements et fantasmes. Rêves et réalité ainsi réconciliés, identifiés, ce fut simplement bonheur, harmonie et sérénité.
Plus tard, je vous entendis, non loin de là, commencer à remuer quelques casseroles ou vaisselles ; le déjeuner s’annonçait. Moi je continuais dans ma béatitude de captif à ne penser à rien, à rien d’autre qu’à éprouver l’invincible solidité de ce qui me retenait, à rien d’autre qu’à jouir de cette quasi fusion de mon corps avec le banc et le pilier, instant d’éternité.
Du temps passa. Vous êtes venue me délivrer de mon ruban adhésif. Au passage, le bandeau sur les yeux fut enlevé, et je découvris alors, dans la clarté d’un jour que j’avais commencé à oublier et qui me faisait cligner des yeux, ce lieu que vous n’aviez pas encore baptisé le Trois-Mâts.
Fort heureusement, et je vous en sus gré, ma liberté ne fut pas totale : la barre d’écartement continuait à faire son office et des menottes de pouce vinrent bizarrement me lier les mains. Et c’est heureux de porter ces contraintes, signes et instruments de ma captivité, que je vins, à votre invitation, rejoindre la table de la cuisine-salle à manger. Vous aviez préparé des pâtes délicieuses et des petites tartines de tapenade que nous partageâmes en bavardant comme de vieux amis se retrouvant au déjeuner. Vous étiez splendide et souriante dans une ample robe. Et moi…moi, j’étais nu, jambes écartées et les pouces attachés l’un à l’autre, éperdu de reconnaissance de vous voir me traiter ainsi avec cette combinaison de chaleureuse amitié et de totale domination. Oui, j’étais à vous, bien à vous.
Le repas terminé, une autre étape de la crémaillère m’attendait. Mais il fallait délivrer mes pouces avant que d’autres liens ne me soient imposés. Et ce ne fut pas une mince affaire : les menottes résistaient, la clé ne tournait plus dans la serrure. Petit moment d’inquiétude partagée avant que tout ne rentre dans l’ordre.
Mais ma liberté fut brève. Vous me fîtes coucher au sol devant votre canapé. Et là, c’est avec des chaînes que vous m’avez attaché dans une position assez bizarre, assez inconfortable pour me rappeler à ma condition. J’aime beaucoup les chaînes, surtout au début, quand elles sont encore fraîches sur la peau ; elles me maintenaient dans une position quasi fœtale pour que je puisse bien recevoir les quelques coups supplémentaires dont vous vouliez me gratifier. Au moment où je commençai à ressentir un peu d’inconfort, certaines des chaînes me rentrant douloureusement dans les chairs, je m’aperçus que vous vous étiez emparé de mon sexe.
Je ne sais pas ce que vous avez fait alors, de quelle manière vous avez joué avec lui, je crus même un instant que vous alliez le torturer. Mais ce que je peux dire, c’est que jamais, au grand jamais je n’avais ressenti quelque chose de pareil. Vous m’avez mené, pas à pas, doucement, de sensations étranges en sensations nouvelles, jusqu’à une incroyable explosion qui me secoua du sexe jusqu’à la tête, des couilles jusqu’aux pieds. J’ai l’impression d’en avoir tremblé pendant des minutes entières, éperdu dans l’ivresse de ma jouissance d’une absolue reconnaissance pour Celle à laquelle j’ai la volonté et le bonheur d’appartenir. Merci chère aXelle.
Il me fut difficile de reprendre mes esprits et de vous quitter ; nous restâmes à bavarder tranquillement, sereinement, dans la conscience partagée d’avoir vécu, en tous cas en ce qui me concerne, un rare et beau moment. Mais il fallut partir et cette rencontre eut une fin.
COMMENTAIRE D’AXELLE DE SADE :
Mon cher Espiègle Maso,
C’est toujours un grand bonheur de vous lire, vous avez un sens inouïe de l’écriture qui me replonge dans ces moments partagés. Pour ce rdv dont le fil conducteur était "crémaillère et litératé" , je vous avais convoqué une demi-journée pour prendre le temps de vous punir comme il se doit : sûrement mais lentement et de plus en plus durement. Je m’imprègne beaucoup de vos (très) longs écrits fantasmatiques dont nous savons tous les deux, qu’ils ne sont qu’élucubrations masturbatoires. En effet, je me souviens d’une séance où vous délire consistait à être vidé dès votre arrivée pour subir la douleur sans la carotte de la récompense. Je suis sûre que vous vous souvenez de cette honteuse débâcle, incapable de résister à la canne que je vous infligeais. D’ailleurs, cette confrontation entre fantasme et réalité vous a laissé un souvenir cuisant en septembre … Mais ce récit fera l’objet d’un prochain compte-rendu.
J’ai souvenir d’un bel après-midi de juin où vous avez été mon jouet, mon meuble, ma sculpture, mon soumis pendant des heures et des heures.
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